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Le GARR partage avec vous la correspondance adressée au chef du gouvernement haïtien, Enex Jean Charles, le 4 mai 2016 : 

                                                                                                                                                                          Port-au-Prince,  le 2 mai 2016

 Monsieur Enex Jean Charles,

 Premier Ministre,

 Primature

En ses Bureaux,-

 Objet : Suivi des dossiers urgents en faveur des migrants haïtiens

Monsieur le Premier Ministre,

Le Groupe d’Appui aux Rapatriés et Refugiés (GARR) salue votre nomination et votre investiture en tant que Premier Ministre. Il reconnait que votre accession à la Primature est arrivée dans un contexte difficile où différents maux sont en train de ronger la société haïtienne.

 Ne souhaitant pas que des dossiers importants soient jetés aux oubliettes en raison de la réalité politique du pays, le GARR tient à attirer votre attention sur d’importants sujets, notamment le Programme d’Identification et de documentation des Immigrants Haïtiens (PIDIH), l’accueil des rapatriés à la frontière haïtiano-dominicaine, et la problématique de l’état civil haïtien.

 Le GARR signale à votre attention, Monsieur le Premier Ministre, que plusieurs rapports ont fait état d’une mauvaise gestion du PIDIH, mis en œuvre par l’Etat haïtien en juillet 2014. Citons, à titre d’exemple, le rapport publié en décembre 2015 par l’Inspection Générale des Finances (IGF) qui a fait une évaluation du PIDIH en montrant que sur les 300 000 migrants ciblés, seulement 30 000 migrants s’étaient inscrits au niveau des 18 centres d’enregistrement du programme. Du nombre des inscrits, 2081 demandes ont été agréées, soit 0.69 % de la population ciblée.

 Par ailleurs ce rapport a montré que plusieurs dépenses faites dans le cadre de l’utilisation des fonds - évalués 2 millions de dollars - sont réalisées en dehors de tout principe  financier. Or, un an sept mois après, bon nombre de migrants réclament de l’État haïtien leurs documents d’identification pour lesquelles ils avaient déjà versé chacun 1000 pesos dominicains.

 D’un autre côté, le GARR ne peut garder son silence face au mode de gestion de l’Etat haïtien dans la question de l’accueil des rapatriés au niveau de la frontière.  Les rapatriements sont intensifiés depuis le mois de juin 2015, suite à la fin de l’enregistrement au Plan National de Régularisation des Etrangers (PNRE).  Les rapports de monitoring ont montré que plus de 100 000 migrant(e)s sont déjà retournés dans le pays. Seulement pour le premier trimestre de l’année 2016, on a enregistré plus de 8120  rapatrié(e)s et de 13299 retournés.

 Le GARR a constaté que le gouvernement précédent avait priorisé des actions ponctuelles initiées par les acteurs humanitaires au lieu de favoriser une réponse institutionnelle qui aiderait à accueillir dans la dignité les personnes qui traversent la frontière. Il est impensable que l’Office National de la Migration (ONM), la structure étatique ayant le mandat pour intervenir, soit complètement écartée parce qu’elle n’a pas les moyens ni le personnel suffisant, au profit d’autres structures qui n’ont ni le mandat ni la compétence.

 L’autre dossier important au même niveau que ceux présentés dans les lignes précédentes est la question de la modernisation du système d’état civil haïtien. Le dysfonctionnement de l’état civil entraine de sérieux problèmes de documentation à la population haïtienne. Ce problème affecte bon nombre de migrant(e)s haïtiens-nes vivant en situation irrégulière.

 Les analyses montrent que les actions isolées, dont la plus récente est l’arrêté du 16 janvier 2014 du président Martelly, accordant à toute personne dépourvue d’acte de naissance un délai de cinq (5) ans pour faire régulariser son état civil, ne peuvent pas  résoudre  le problème.  En mobilisant des fonds pour la modernisation du système d’état civil, votre gouvernement montrera son engagement en faveur du respect du droit à l’enregistrement et à l’identification de tous les citoyens-nes haïtiens-nes, quel que soit l’endroit où ils-elles se trouvent. Ce qui constituera, en outre, un premier pas vers la diminution de la migration irrégulière et du coup une contribution manifeste dans la lutte contre le trafic et la traite des personnes en Haïti.

 Comptant sur votre précieux concours en vue d’engager résolument  l’Etat haïtien dans la voie du respect et de protection des droits de tout(e) Haïtien-ne sans distinction, le GARR sera prêt à vous rencontrer et discuter amplement de ces thématiques à votre bureau à la date que vous proposeriez.

 Le GARR vous prie de recevoir, Monsieur le Premier Ministre, ses respectueuses salutations.

 Me Saint-Pierre Beaubrun

Coordonnateur du GARR